Thème de Lettres-Philosophie – La Force de Vivre– CPGE scientifique 2020.
La Force de Vivre – oeuvres au programme et des auteurs en CPGE
Le thème de l’année 2020 en prépa scientifique est « La force de vivre ». Pour étudier ce thème et le mettre en tension, les trois auteurs retenus pour le programme des cours de français sont Victor Hugo, le philosophe allemand Friedrich Nietzsche et l’auteure biélorusse Svetlana Alexievitch.
Les contemplations de Victor Hugo
On ne présente pas Victor Hugo, poète, romancier, dramaturge, homme politique français du début du XIXe siècle. Le recueil des Contemplations paraît le 23 avril 1856, plus de quinze ans après la précédente œuvre lyrique de l’auteur. Loin de traduire une difficulté d’inspiration, ce silence éditorial correspond à la lente maturation d’un projet que l’écrivain envisage à la fois comme le couronnement et le dépassement de sa production antérieure. Pour Hugo, le temps est un moyen d’approfondir la manière et il présente son œuvre chez son éditeur Hetzel comme son « œuvre de poésie la plus complète » : « Les Contemplations seront ma grande Pyramide ». Dans Les Contemplations, le poète sera dépeint dans la posture du contemplateur ; le texte met en scène aussi la dimension sacrificielle de la mission du poète, qui rayonne dans l’ensemble des œuvres lyriques de Hugo. Autant de thèmes déjà présents dans ses œuvres lyriques antérieures et notamment dans Les Rayons et les Ombres (1840). La rédaction des poèmes des Contemplations commence bien avant l’exil d’ailleurs et les dates mentionnées au bas des poèmes sont pour la plupart fictives.
Deux événements majeurs vont finir de façonner Les Contemplations : la trahison de Louis-Napoléon Bonaparte, qui mène Hugo sur le chemin de l’exil en 1851 et la mort brutale de Léopoldine, sa fille aînée, en 1843. La révolte politique tout d’abord accélère la rédaction des Contemplations : l’exil va décupler sa force créatrice. La mort de Léopoldine, noyée dans la Seine à Villequier, le 4 septembre 1843, à l’âge de 19 ans, avec son mari Charles Vacquerie qui tentait de la sauver, constitue l’autre événement déterminant l’orientation prise par Les Contemplations. Hugo apprend cette mort tragique dans un journal, alors qu’il regagne Paris après un voyage entrepris dans les Pyrénées avec sa maîtresse Juliette Drouet. La douleur infinie de l’écrivain, face à une mort qui renverse l’ordre des choses, le pousse à interroger le sens de l’existence et l’énigme de la mort. Le décès de l’enfant suspend d’abord la parole poétique qui rend le père muet de douleur (Hugo n’écrit rien entre 1843 et 1846).
La mort interrompt l’écriture donc mais la relance aussi car elle donne une perspective décisive au futur recueil, traversé en son milieu par l’évocation du deuil : « quel deuil ? Le vrai, l’unique : la mort ; la perte des êtres chers » (Préface). Lorsque Hugo reprend la plume en 1846, ses premiers poèmes portent précisément sur l’incompréhension face au décès des enfants. Ce poème est consigné « en revenant du cimetière », le jour de l’enterrement de la fille de Juliette Drouet, Claire Pradier au sortir de l’adolescence. L’initiation de Hugo au spiritisme et aux tables parlantes par son amie Delphine de Girardin en septembre 1853 approfondit le questionnement de l’auteur sur la mort dans la continuité du deuil de 1843. D’abord sceptique, Hugo est bouleversé par la manifestation de l’esprit de sa fille morte le 11 septembre 1853, presque 10 ans jour pour jour après la mort de Léopoldine.
Le gai savoir de Nietzsche
En ce qui concerne l’ouvrage de Nietzsche, l’objet du texte est en quelque sorte concentré dans le titre du recueil : le « gai savoir ». Il s’agit là d’un texte qui cherche à renverser les valeurs et les articulations de la philosophie classique, d’une recherche d’un renouvellement des philosophies théoriques et pratiques. En effet, la méthode employée est celle du soupçon, radicalisation du doute cartésien ou du scepticisme de Montaigne, comme si toute vérité était impossible à trouver car, derrière la vérité, il n’y aurait que des masques qui appellent d’autres masques à l’infini, à tel point que tout n’est qu’illusion. Nietzsche se positionne comme médecin et diagnostique la maladie de notre pensée, de notre culture, de notre civilisation pour réapprendre à vivre sainement avec énergie.
En critiquant cette recherche de la vérité, le philosophe met aussi à distance la tradition platonicienne car, puisqu’il n’y a que du paraître, il nous incite à dessiller notre regard et à opter pour le perspectivisme au lieu. Le « gai savoir » associe donc gaieté et connaissance, et montre comment l’austérité du savoir est renversée par la gaieté de l’esthétique des apparences. Sortant d’une grave et longue maladie, Nietzsche écrivit cette oeuvre sous le patronage de Saint-Janvier, traditionnel mois des vœux, et opte pour l’ivresse de la guérison qui lui a permis de mettre à distance un rapport superficiel au monde, signe que le livre est un incipit parodia et un incipit traegedia.
Le monde de Tchernobyl de Svetlana Alexietvich
Bien différente est l’œuvre que nous propose Svetlana Alexietvich, auteure contemporaine, d’origine biélorusse, réfugiée actuellement en Suède. Si elle obtint en 2014 le Prix Nobel de littérature pour l’ensemble de son œuvre, c’est parce que toutes les œuvres d’Alexievitch ont une profonde résonnance politique. Dans La Supplication, Alexievitch veut transmettre « le monde de Tchernobyl ». Le rappel historique est donné au tout début de l’ouvrage : l’explosion du quatrième réacteur de la Centrale à 1h23 le 26 avril 1986, la contamination inédite qui s’en est suivie autour de la Centrale et même dans toute la Biélorussie voisine de la Centrale, le nombre de morts caché par les autorités, les cancers de la thyroïde,… Ce n’est pas ce qui l’intéresse. Car Tchernobyl n’est pas seulement un événement mais un vécu. L’auteure veut « reconstituer des sentiments ». Pour ce faire, elle est partie recueillir la parole de ceux qui ont agi (liquidateurs, scientifiques,..) de ceux qui ont ressenti (souffrance des morts, souffrance de la maladie,…), de ceux qui ont cru ( à ce qu’on leur disait, à ce qu’ils faisaient, à ce qu’ils voyaient). Elle se place délibérément au niveau de l’individuel, au niveau des petits qui ont « subi » la catastrophe. Si le témoignage est la pierre de touche du monde, à lui seul il ne suffit pas. Livré à lui-même le témoignage est partiel, il est un point de vue, il est à la fois total et infinitésimal : le témoignage renverrait au récit clos sur lui-même d’une expérience passée. Il est « destin » en ce sens qu’il donne une image du passé vécu, révolue, figée.
L’événement a été intégré, il est derrière la personne en même temps qu’en elle par ses effets. Monade close, sans porte, ni fenêtre, il est devenu un atome de Tchernobyl. Le témoignage est trop individuel, trop passé. Une voix dans le désert. La démarche d’Alexievitch a été d’enquêter trois années durant dans son pays, la Biélorussie, qui est le plus touché par cette catastrophe ; elle a interrogé plus de cinq cents personnes, de sorte que son livre se présente bien comme un recueil de témoignages composé à partir de ces entretiens. Son ambition est de donner à entendre la pluralité des témoignages, comme autant de prises de vue sur le monde, comme autant de photographies sur une même réalité. De cette pluralité, elle espère pouvoir faire advenir précisément cette idée de monde, que les témoignages se complètent, se corroborent, s’interpellent, s’ajustent les uns aux autres. Comme un puzzle vivant et dynamique.
Beaucoup d’élève de cpge prendront comme chaque année des cours particuliers de français afin de se profiter de l’expérience d’un professeur particulier pour se préparer aux concours en prépa scientifique.
Trois ouvrages bien différents en somme pour trois chemins de vie bien différents. Car ce qui est commun aux trois auteurs, c’est l’envie, voire le besoin de partager ces destins individuels et de leur donner des accents universels.