La force de vivre : Thème en CPGE scientifique
Étudier la force de vivre suppose de regarder comment l’être humain, créature faible dans les mains de la Fortune et toujours soumis à des expériences douloureuses, est capable de trouver en lui les ressources nécessaires pour dépasser une expérience traumatisante.
Le nom « force », associé à la préposition « de » suggère un élan vital qui rend l’individu intrépide et aucunement apeuré par les obstacles de la vie ; cette force peut, d’ailleurs, aller jusqu’au farouche et le confronter aux difficultés de la vie avec la plus grande des volontés. Inhérente à l’homme mais souvent voilée ou atténuée malgré lui, elle s’approfondit dans la vie de l’homme par des expériences douloureuses. Le terme de « force » suppose aussi une forme de violence démesurée, au point qu’on est amené à suspecter une sorte de désespoir, de rapport particulier à la mort, qu’il faudrait, dans un dernier acte héroïque repousser ou contrecarrer. Acquérir de la force de vivre, c’est donc rechercher de la force pour mieux vivre, puisque toute expérience douloureuse fragilise l’individu ou le rend hermétique à la vie dans laquelle il doit s’insérer. On peut penser à l’adolescent qui désire briser sa carapace et entrer dans la vie adulte après une première mue ou bien au malade en rémission qui décide de profiter de chaque seconde que la vie lui offre après avoir pensé être condamné ou alors de l’homme vieillissant qui sent la mort proche et qui est décidé à assouvir le moindre de ses désirs, rappelant ainsi à ceux qui l’entourent combien la vie est précaire, labile et faite de soubresauts inattendus qui peuvent tout aussi engluer l’individu que le faire exister. Un véritable appel au droit de vivre.
Mais plus encore, étudier la force de vivre suppose aussi un engagement complet, sans faille et sans compromis, une vie qui déplace la médiocrité et qui ne se satisfait que des pôles ou d’expériences paroxystiques. L’homme qui revendique cette force est un ambitieux, un courageux qui s’oriente, mû par une force morale sans précédent, est capable de se révolter et de lutter contre des décisions qu’il juge iniques ou intolérables. Revendiquer la force de vivre, c’est réclamer la vie, la grande, la vraie, celle qui dépasse le quotidien décevant, une vie qui se consume certes, mais qui fait de l’homme un être heureux et qui le pousse à développer ses qualités humaines.
Cependant, la force de rester en vie peut s’analyser aussi tout à fait différemment : puisque la quoddité de la mort, comme dirait Jankélévitch, ne fait pas l’ombre d’un doute et que la vie est bornée, rester en vie est alors un moyen de dessiller le regard de l’homme, de dresser un impitoyable tableau de vanités qui permettra à l’individu d’avoir une vie épurée dans laquelle toute possession sera jugée vaine, comme un ersatz absurde de gloire.
Alors, peut-être que le seul salut qui soit réside dans l’écriture, manifestation la plus évidente de cette force de vivre ou de revivre ou de survivre… L’écriture permet à celui qui souffre de coucher sa douleur sur le papier mais aussi de la modeler, la façonner et l’esthétiser. À l’opposé du refoulement ou du traumatisme, celui qui souffre utilise la douleur dans toute sa brutalité comme une matière vive à retravailler pour la dépasser et retrouver une force, celle qui lui permettra de poursuivre sa vie ou, dans une perspective stoïcienne, celle qui l’endurcira face aux autres coups du sort. Reste alors que ce travail psychanalytique n’est jamais autocentré : si l’écriture est une force nouvelle pour l’écrivain désireux d’avancer dans la vie, il écrit et s’écrit aussi pour se connaître et co-naître. Car l’acte d’écriture est donné en partage à un lecteur, frère de circonstance, qui, lui aussi, pourra se reconnaître dans l’expérience narrée ou étudiée.
Pour répondre à ces différentes questions, nous nous appuierons sur l’avant-propos et le quatrième livre du Gai savoir du philosophe allemand Friedrich Nietzsche, qui, après une longue période de maladie, propose une nouvelle philosophie, fondée sur le renversement. Nous verrons aussi comment l’écrivaine biélorusse, lauréate du Prix Nobel de Littérature en 2015 pour l’ensemble de son œuvre, Svetlana Alexievitch, dans son récit et essai La Supplication : Tchernobyl, chronique du monde après l’apocalypse écrit en 1997, ouvrage polyphonique, construits sur des témoignages réels, traite de la douleur des corps irradiés et des cœurs abîmés par la catastrophe nucléaire de Tchernobyl en 1986, tout comme Victor Hugo, qui, dans les livres IV et V, « Pauca meae » et « En marche », des Contemplations, évoque, avec émotion le décès de sa fille Léopoldine, et d’autres êtres chers ainsi que ses années d’exil après la félonie de Louis-Napoléon Bonaparte.
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